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ALAIN MIMOUN : La tête & les jambes

IRONIE DU SPORT

Gravement blessé à la jambe durant la Seconde Guerre mondiale, Alain Mimoun, le plus français des Algériens, ne serait jamais entré dans la légende du sport national si les médecins américains l’avaient amputé comme ils le préconisaient.

 

PAR SÉBASTIEN NOIR

PHOTOS : Wikipedia & alamy.com 



28 janvier 1944. Tous les chemins mènent à Rome. Mais la route vers la capitale italienne est barrée par la Wehrmacht du maréchal Albert Kesselring et sa ligne de défense Gustave. Dans cette campagne d’Italie, le verrou se trouve à Monte Cassino.

Du côté des alliés, avec les Américains, est engagé le Corps expéditionnaire français, composé essentiellement de troupes d’Afrique, et commandé par le général Alphonse Juin.

Au milieu de la mitraille, sous les bombes, un caporal du 83e bataillon du génie, au sein de la 3e division d’infanterie d’Algérie, s’illustre comme il l’avait déjà fait durant la campagne de Tunisie.

Un Berbère face aux barbares. Un patriote qui aime trop la France pour la voir occupée, malmenée, souillée par les nazis. Le plus français des Algériens, Alain Mimoun, né Ali Mimoun Ould Kacha le 1er janvier 1921 à Maïder, se révolte alors. Il est sans peur et sans reproche, comme son héros d’enfance le chevalier Bayard. Et lutte contre l’envahisseur, telle Jeanne d’Arc, une autre des héroïnes de cette France qu’il imagine parfaite et qui, pourtant, l’a rejeté lorsqu’il voulait percevoir une bourse pour devenir instituteur. La priorité était alors les enfants de colons : « J’étais scandalisé. J’ai compris que j’étais ramené à ma condition de petit Algérien d’Algérie aux horizons bouchés. J’ai annoncé à ma mère : L’Algérie est peut-être un département français, mais ce n’est pas la vraie France, c’est une colonie. Je veux être un Français comme les autres. Un jour je partirai ».

Alors, il est là. Sur le front. Prêt à mourir sur le bucher, il se démène. La cause est juste, noble : il donnerait sa vie pour elle. Et sa jambe ?

Il s’élance, encore et encore, pour gagner un mètre sur l’ennemi. Et puis, un obus éclate à côté de lui. Sa jambe gauche est déchiquetée. Broyée. Le verdict tombe. Sans appel. Les médecins américains veulent l’amputer. Ceux de l’hôpital français de Naples la sauvent. A quoi ça tient un titre de champion olympique…

 

Marathon man

Alain Mimoun quitte les champs de bataille pour les pistes d’athlétisme. C’est aussi le duel sans merci qui débute entre ce champion et Emil Zatopek. Et comme les Français auront les yeux de Chimène pour Poulidor dix ans plus tard, ils se passionnent pour cet éternel second, qui arrive tout juste à raccrocher les wagons derrière la locomotive tchèque. Trois médailles d’argent, sur

10 000 m à Londres en 1948, et sur 5 000 et 10 000 à Helsinki ? Toujours derrière Zatopek !

Le championnat d’Europe 1950 sur les mêmes distances ? Deuxième… derrière Zatopek.

Mais les Jeux Olympiques de 1956 se profilent. Et tout va changer !

Mebourne, 1er décembre. Le thermomètre affiche 36 degrés.

Mimoun et Zapotek se retrouvent sur la ligne de départ du marathon. Le Tchèque avait été opéré d’une hernie un mois plus tôt, mais personne n’était au courant. Pas même Mimoun qui, toujours prudent et humble, déclare à son entraîneur : « Je ne promets rien. Je ferai seulement mon possible pour aller jusqu'au bout ».

Oui mais voilà, comme beaucoup de sportifs de haut niveau, le Français est superstitieux. Et les signes du destin se multiplient. A commencer par son dossard : le 13. Le coup d’envoi de la course, après un faux départ, cas unique dans cette discipline, fut donné à… 15 h 13.

Enfin, la veille de la course, Alain Mimoun a reçu un télégramme l’informant de la naissance de sa fille qu’il prénomme… Olympe.

Alors, Mimoun, regonflé comme jamais, se trouve seul en tête avant la mi-parcours. Il se permet même de chambrer deux poursuivants soviétiques quand il les croise. 

Mais sans relais, la fin est difficile.

Il se motive. S’insulte. Au bout du rouleau, Alain Mimoun pénètre dans le stade olympique à 17 h 37. Il devient champion olympique en 2 h 25 devant Franjo Mihalic.

Heureux, fier, Alain reçoit peut-être le plus bel hommage de son fidèle concurrent. Il voit Zatopek et lui lance : « Tu ne me félicites pas Emil ? » Arrivé sixième et manquant de lucidité, Zatopek pensait de Mihalic l’avait emporté. Dans un grand sourire, il répond alors, « Alain, je suis heureux pour toi », avant que les deux champions ne s’enlacent longuement.

Son exploit le propulse à la Une du journal L’Equipe, qui le désigne champion des champions français de l’année. Et, lorsqu’il débarque à Orly, une immense foule l’attend et l’acclame. La France le reconnaît enfin comme l’un de ses enfants. Debout, sur ses deux jambes, son vœu le plus cher est enfin exaucé.


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